PARLER DU VIN

ANTHOLOGIE

HISTOIRE BOURGUIGNONNE

Extrait de Bacchus m’a raconté...p. 147-149. Copyright Éditions Anne Sigier.

Cela se passait dans un joli petit village fleuri de la Côte chalonnaise, dont plus de la moitié de la superficie était couverte de vignes, soit le pinot noir et le chardonnay. Un vigneron, très fier de sa vigne et des excellents vins qu’il en tirait, était souvent tenté de se verser de nombreuses rasades, derrière la cravate, de ce bon nectar des dieux.

Or, il advint que, à force de picoler, Patrice, car il s’appelait Patrice, notre brave vigneron, dut aller consulter un médecin, à cause de maux à l’estomac de plus en plus violents. Ces malaises l’empêchaient même de dormir. C’était la première fois que notre homme entrait dans le cabinet d’un médecin. Il ne pouvait admettre que le vin généreusement consommé puisse être cause de ses maux.
Dès qu’il le vit, cependant, le docteur sut ce qu’il en était. Aussi ne prit-il aucun détour. Il déclara tout de go au vigneron:
- Tu bois trop, Patrice, dit-il, tout crûment.
Patrice protesta qu’il ne buvait que pour étancher sa soif... Le médecin éclata de rire et rétorqua:
- Tu n’as donc jamais réussi à étancher cette soif?
Patrice lui expliqua alors qu’il écoutait les recommandations des docteurs, en faisant de la prévention. Les propos du médecin l’inquiétaient beaucoup. C’est donc avec appréhension qu’il s’informa:
- Vous n’allez tout de même pas me défendre de me désaltérer.
- Pas du tout, répond le praticien. Toutefois, je te recommande, quand tu auras soif, de mettre un tiers de vin et deux tiers d’eau. Ce mélange te paraîtra rafraîchissant et très désaltérant...
Puis le médecin lui donna une ordonnance expliquant noir sur blanc ce qu’il lui recommandait, en souhaitant, intérieurement, que son patient se soumît à ses directives.

Quelques jours plus tard, le docteur rencontra «son» malade au village. Il lui demanda:
- Alors, Patrice, comment te portes-tu, depuis ta visite à ma clinique?
- Pas mieux, docteur, répond le vigneron, en bougonnant. Vraiment pas mieux!
- Comment, pas mieux! Tu n’as pas suivi mes conseils?
- C’était absolument impossible, docteur, répliqua Patrice. Vous savez que je dois avaler six litres de vin par jour... Comment voulez-vous que j’y ajoute douze litres d’eau? C’est bien simple, je vais y passer!
Devant une telle mauvaise foi, le docteur n’insista pas.
Les jours et les mois passèrent. Or, il arriva qu’à la suite d’on ne sait trop quel virus ou maladie le médecin mourut avant Patrice.
Dans les pays vinicoles, on sait qu’il y a plus de vieux vignerons que de vieux médecins.
Le vigneron «assoiffé» finit bien par se retrouver à son tour sur son lit de mort. Ses amis les plus proches l’ont veillé pendant quelque temps. À un moment donné, Patrice demanda un verre d’eau. Ses copains n’en revenaient pas... Il est vraiment très bas, se dirent-ils. Mais les derniers désirs d’un agonisant sont sacrés, aussi quelqu’un lui donna-t-il un verre d’eau fraîche, dont il but quelques gouttes. Il remit le verre à celui qui le lui avait donné.


Ses amis réussirent à avoir une réponse à leur question concernant le pourquoi de ce geste:
- Je me suis rappelé ce que le curé disait au catéchisme. C’était que sur son lit de mort, il fallait se réconcilier avec son pire ennemi. Et c’est ce que je viens de faire...
Tout émerveillés et édifiés, les compagnons du vieux vigneron voulurent lui rincer la bouche et le gosier des dernières gouttes d’eau. On alla chercher à la cave de Patrice une jolie bouteille de clos-de-tart dont on remplit son vieux taste-vin. Ayant trempé ses lèvres dans le généreux jus de la treille, Patrice dit, dans un dernier souffle:
- Ce clos-de-tart 1976 semble tirer de l’oreille, dépêchez-vous de le boire!
Et lui-même rendit l’âme sur-le-champ.
On se mit en frais de lui préparer des funérailles dignes de sa vie de travailleur!
Quelqu’un demanda alors si on n’avait jamais entendu Patrice, de son vivant, faire part de ce qu’il souhaitait pour la cérémonie et ses funérailles.
Et son meilleur copain de dire:
- Je me rappelle qu’un jour, pour le taquiner, je lui ai demandé comment il voyait ses funérailles. Patrice m’a déclaré qu’il voulait être incinéré...
- Ça me ferait une dernière cuite, avait-il conclu!
Ainsi fut fait

 

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